RDC : Quand la politique oublie la patrie (Tribune)

Tribune – GazetteInfos.net
La République Démocratique du Congo est aujourd’hui à un carrefour historique, tiraillée entre des impératifs de survie nationale et des élites politiques engluées dans des scandales qui sapent les fondements de l’État. Alors que le pays est en guerre, agressé à l’Est par les rebelles du M23/AFC sous la complicité présumée du Rwanda, la sphère politique congolaise est, elle, en feu. Elle est « au charbon », comme le disent certains, mais pas pour relever le pays, hélas.
Les accusations de détournement de deniers publics, de trahison et d’abus de pouvoir ne sont plus des faits isolés. Elles deviennent le triste quotidien d’une classe politique dont les ambitions personnelles semblent avoir pris le pas sur la mission sacrée de servir la nation. À l’heure où l’unité est vitale, les acteurs politiques se livrent à des guerres de positionnement, minant l’espoir d’un peuple qui, pourtant, n’a plus que ces représentants pour croire en une sortie du chaos.
Les faits parlent d’eux-mêmes. Le président honoraire Joseph Kabila Kabange est désormais officiellement impliqué dans un dossier explosif : celui d’un soutien supposé aux miliciens du M23/AFC. La levée de ses immunités, actée par le Sénat le 21 mai 2025 en soirée, ouvre une brèche historique dans la sacralité politique. Un précédent lourd de sens.
Et ce n’est pas un cas isolé. Moïse Katumbi, en exil, fait face à des accusations de construction d’infrastructure à la frontière zambienne sans autorisation officielle. Matata Ponyo, ancien Premier ministre, purge une peine de six ans pour détournement de fonds publics. Même Constant Mutamba, perçu comme un souffle nouveau, est cité dans une affaire similaire. Les révélations de Nicolas Kazadi, ex-ministre des Finances, n’ont pas encore livré tous leurs secrets mais ajoutent à l’instabilité d’un climat déjà vicié.
Dans ce brouhaha d’accusations et de règlements de comptes, les appels au dialogue, notamment ceux portés par la CENCO et l’ECC pour rétablir la paix à l’Est, peinent à trouver écho. Ce qui devrait être une priorité nationale est désormais relégué au second plan, victime des calculs politiques à courte vue.
La RDC mérite mieux. Elle mérite des dirigeants soucieux du bien commun, capables de transcender leurs intérêts pour embrasser l’intérêt général. Car un pays en guerre ne peut survivre sans unité, et une nation divisée par ses élites ne peut aspirer à la paix.
Cette tribune n’est pas un réquisitoire. C’est un cri. Le cri d’un peuple pris en otage entre les balles à l’Est et les manœuvres politiciennes à Kinshasa. L’histoire jugera. Mais il n’est pas trop tard pour redresser la barre, à condition que les ambitions individuelles cessent d’avoir raison de la patrie.
Bernard MUTOMBO