Éditorial_ Kasaï Oriental : Transparence et responsabilité, les piliers oubliés de la gouvernance provinciale

Par Gazettesinfos.net
L’espoir trahi d’un fief présidentiel
Cinq gouverneurs en cinq ans, dont trois intérimaires, et une constante : l’instabilité chronique. C’est le triste tableau que présente aujourd’hui le Kasaï Oriental, province natale du président Félix Tshisekedi. Alors qu’elle aurait dû incarner un modèle de gouvernance et de développement à l’image des promesses portées par le pouvoir central, elle s’illustre au contraire par une série de crises politiques, de soupçons de malversations et de blocages institutionnels à répétition.
La récente mise en accusation du gouverneur Jean-Paul Mbwebwa rappelle à tous que rien n’a fondamentalement changé. La province semble enfermée dans un cycle où chaque nouveau dirigeant s’englue dans les mêmes travers : mauvaise gestion, incompétence, et détournements présumés de fonds publics. Et ce, malgré l’appartenance de tous ces gouverneurs à l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), parti présidentiel.
L’UDPS face à sa propre gestion
Ce constat amer soulève une question centrale : pourquoi l’UDPS, après 37 ans d’opposition et cinq années de pouvoir, peine-t-elle à imposer des standards de gestion rigoureuse, même dans son bastion historique ? La province, loin d’être marginalisée, est censée bénéficier d’une attention particulière, d’autant plus qu’elle incarne une part de l’identité politique du chef de l’État. Pourtant, les dérives s’y accumulent, ternissant l’image d’un pouvoir qui se voulait réformateur.
Faut-il alors voir dans cette défaillance une inaptitude structurelle à encadrer les cadres du parti ? Une absence de critères objectifs dans les nominations ? Ou simplement un désintérêt politique masqué par des slogans creux de développement ?
Le cercle vicieux de l’échec
La réalité est implacable : le Kasaï Oriental, pourtant doté de ressources naturelles et humaines considérables, est devenu un symbole de ce que la mauvaise gouvernance peut produire de pire. Instabilité, frustration populaire, désillusion… les promesses de changement ont fait long feu, et la population assiste, impuissante, à la rediffusion d’un film politique déjà trop vu.
Cette province ne peut plus se permettre d’être un terrain d’expérimentation pour des gouverneurs sans vision ni cap. Chaque échec compromet davantage la crédibilité du pouvoir central et retarde les perspectives de redressement.
Briser le cycle, maintenant
Le moment est venu de rompre avec cette spirale de médiocrité. La mise en accusation de Jean-Paul Mbwebwa ne doit pas être un épisode de plus dans une série sans fin. Elle doit être le point de départ d’un véritable sursaut institutionnel. Cela passe par une sélection rigoureuse des dirigeants, un suivi constant de leur action, et une volonté ferme d’imposer la transparence et la responsabilité comme principes non négociables de la gestion publique.
Le Kasaï Oriental mérite mieux. Il mérite une administration à la hauteur de ses ambitions, une gouvernance qui respecte ses citoyens et une justice capable de sanctionner les déviances, sans complaisance ni calcul politique.
Un test pour l’État de droit
La démocratie ne se mesure pas uniquement aux élections, mais à la capacité des dirigeants à gouverner avec éthique, rigueur et respect des institutions. Montesquieu, dans L’Esprit des lois, écrivait : « Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. » C’est le principe de contre-pouvoirs que le Kasaï Oriental appelle de ses vœux.
Le président Tshisekedi a là une opportunité historique : corriger la trajectoire de sa province natale, restaurer l’autorité de l’État et prouver que la démocratie congolaise peut encore se redresser, même au sein de son propre camp.
Félix Ilunga