Bukavu : l’économie informelle s’écroule sous le poids de la crise

La ville de Bukavu, capitale provinciale du Sud-Kivu, fait face à une crise économique sans précédent. Dans cette métropole de l’est de la République démocratique du Congo, l’économie informelle, qui fait vivre une majorité de la population, vacille dangereusement. Les marchés emblématiques comme celui de Nyawera tournent au ralenti, les étals se vident et les commerçants, en grande majorité des femmes, peinent à survivre dans une atmosphère d’incertitude permanente.
Maman Julie, couturière depuis plus de 15 ans, décrit avec amertume la chute vertigineuse de son activité. « Même les habits à réparer restent suspendus. Les gens n’ont plus de quoi payer, alors ils renoncent », dit-elle. Elle affirme avoir perdu plus de 70 % de son chiffre d’affaires depuis que les conflits dans l’Est se sont intensifiés.
La situation est similaire pour Maman Adèle Sifa, vendeuse de poisson au marché de Nyawera. « Je donne à crédit, mais les clients eux-mêmes n’ont plus où trouver la monnaie. Ils refusent d’accumuler des dettes », raconte-t-elle. Elle, comme tant d’autres, continue de vendre par foi plus que par espoir de bénéfice.
L’économiste Riziki Cibalonza analyse cette situation comme le symptôme d’un système économique vulnérable. Selon lui, « l’économie de Bukavu repose en majorité sur le secteur informel, sans filet de sécurité. Dès qu’un choc survient, comme la guerre ou l’inflation, les plus fragiles tombent les premiers ».
Cette fragilité est accentuée par la dévaluation du franc congolais, la flambée des prix des produits de première nécessité et la baisse drastique du pouvoir d’achat. Le recours au crédit est devenu monnaie courante, mais il atteint ses limites. Jean-Claude Bahati, enseignant et père de cinq enfants, témoigne : « Nous vivons à crédit chez les vendeuses, chez le boutiquier, même chez le transporteur. Mais on ne rembourse pas, car on n’a rien. Et eux, à force, ne peuvent plus donner. »
Le modèle de solidarité informelle, longtemps fondé sur la confiance, s’effondre à son tour, engendrant tensions et ruptures sociales. Dans ce contexte, l’absence de réponse forte des autorités locales suscite l’inquiétude. Les appels à des mesures d’urgence se multiplient : aides ciblées aux petits commerçants, appui à la relance locale, et politiques économiques adaptées à la réalité du terrain.
Pour Riziki Cibalonza, la solution ne peut venir que d’une transformation en profondeur : « Il est urgent de relancer la production locale, protéger le secteur informel et créer des alternatives durables. »
En attendant un éventuel sursaut politique, les habitants de Bukavu continuent de se battre au quotidien. Dans cette ville meurtrie, l’espoir s’amenuise, mais la résilience demeure.
Rédaction