« Retirez vos mains de l’Afrique » : le pape François s’en va, sa parole reste »

Par gazetteinfos.net
Kinshasa – Le décès du pape François à l’âge de 88 ans suscite une émotion profonde en République démocratique du Congo. Dans les rues de la capitale, les hommages affluent pour saluer la mémoire d’un chef de l’Église catholique qui n’a jamais hésité à dénoncer l’exploitation de l’Afrique et à défendre la dignité des peuples opprimés.
Sa visite apostolique de janvier 2023 reste gravée dans les mémoires congolaises comme un moment historique. Devant les autorités congolaises, la société civile et le corps diplomatique réunis au Palais de la Nation, le souverain pontife avait livré un discours d’une intensité rare, condamnant les injustices historiques et contemporaines subies par la RDC.
« Retirez vos mains de la République Démocratique du Congo, retirez vos mains de l’Afrique ! Cessez d’étouffer l’Afrique : elle n’est pas une mine à exploiter ni une terre à dévaliser », avait-il tonné, dans une attaque frontale contre le néocolonialisme économique. Ce cri du cœur, salué à l’époque bien au-delà des frontières congolaises, avait résonné comme un plaidoyer pour la souveraineté et l’émancipation du continent.
Le pape François avait comparé la RDC à un diamant éclatant mais ensanglanté par la cupidité. « Le poison de la cupidité a ensanglanté ses diamants », avait-il lancé, avant d’ajouter : « Votre pays est vraiment un diamant de la création ; mais vous, vous tous, êtes infiniment plus précieux. »
Alors que l’Est du pays était ravagé par une recrudescence des violences, il avait exhorté la communauté internationale à cesser d’ignorer le drame congolais : « Nous ne pouvons pas nous habituer au sang qui coule dans ce pays, depuis des décennies désormais, faisant des millions de morts à l’insu de beaucoup. »
Tout au long de son pontificat, François s’est tenu aux côtés de l’Église catholique congolaise, l’une des plus dynamiques du continent. Il a soutenu sans faille le cardinal Fridolin Ambongo, figure influente et critique des dérives politiques, notamment lors de la convocation judiciaire de ce dernier en 2024 pour avoir dénoncé l’inaction face à l’insécurité.
Défenseur d’une gouvernance éthique, le pape n’a cessé de rappeler que le pouvoir devait être un service et non un privilège. « Si la justice n’est pas respectée, que sont les États, sinon des bandes de voleurs ? », avait-il cité de saint Augustin, dans une mise en garde aussi spirituelle que politique.
Premier pape à fouler le sol congolais depuis Jean-Paul II en 1985, François avait rassemblé des foules immenses au stade des Martyrs. Là encore, il avait fustigé le tribalisme, la haine, la corruption, tout en appelant les jeunes à construire un avenir plus juste.
Son décès laisse un vide immense au sein de la communauté catholique congolaise, mais aussi dans le cœur de millions de Congolais qui ont vu en lui un frère, un défenseur, un prophète de vérité. Kinshasa se souviendra longtemps d’un pape qui a osé parler, là où tant d’autres se sont tus.
Alpha MUTOMBO MBIKAYI