Pillage en RDC : le Rwanda au cœur d’un trafic minier protégé par l’Europe

Une enquête fracassante de l’ONG Global Witness met à nu un système tentaculaire de pillage des ressources naturelles en République Démocratique du Congo (RDC). Au centre du réseau, la société luxembourgeoise Traxys, qui aurait importé illégalement du coltan congolais via le Rwanda, avec la bénédiction silencieuse de l’Union européenne.
Selon les révélations du rapport, 280 tonnes de coltan ont été acheminées en 2024 vers les marchés européens par Traxys grâce à un accord exclusif avec African Panther, un exportateur rwandais déjà soupçonné de blanchiment de minerais issus de zones de conflit. Ces cargaisons proviendraient en réalité de la mine de Rubaya, en RDC, sous le contrôle de la milice armée M23 — groupe accusé par l’ONU de crimes de guerre et de déplacements forcés.
La mine de Rubaya représente 15 % de la production mondiale de coltan, minerai stratégique pour les technologies numériques. Jusqu’à 120 tonnes par mois seraient ainsi exfiltrées illégalement vers le Rwanda, effaçant toute traçabilité. Ces pratiques financent directement les activités du M23, perpétuant l’instabilité et les souffrances dans la région des Grands Lacs.
Traxys, malgré des engagements publics en matière de diligence raisonnable, se voit accusée de complicité dans un système bien huilé de blanchiment de minerais. Derrière des audits internes et des documents de conformité soigneusement construits, l’entreprise aurait fermé les yeux sur l’origine réelle de ses approvisionnements.
Plus troublant encore, l’Union européenne apparaît comme un acteur ambigu de ce scandale. Alors que les violations sont connues de longue date, Bruxelles a choisi de renforcer son partenariat stratégique avec le Rwanda, débloquant 900 millions d’euros d’aide au développement et de coopération économique.
Face à l’inaction, des voix s’élèvent pour dénoncer une complicité passive de l’UE, qui se rendrait ainsi indirectement responsable de la perpétuation du conflit et du pillage de ressources congolaises.
À l’heure où la transition énergétique et numérique accroît la dépendance mondiale aux minerais stratégiques, cette affaire pose une question brûlante : combien de vies doivent être sacrifiées pour fabriquer nos téléphones, nos voitures électriques, nos batteries ? Et l’Europe, chantre des droits humains, saura-t-elle encore se regarder dans le miroir de ses propres valeurs ?
Denis BABI WA MULUMBA