Tribune : le processus de paix entre la RDC et le Rwanda : une nouvelle tentative, un échec prévisible

Une nouvelle initiative qui divise déjà
Le 10 mars dernier, l’annonce du président angolais João Lourenço de reprendre l’initiative de la médiation dans le conflit entre la République Démocratique du Congo (RDC) et le M23 a suscité surprise et méfiance. Alors que le processus de Luanda et celui de Nairobi semblaient déjà avoir échoué, cette nouvelle démarche fait naître des interrogations sur son efficacité. Le président angolais a ainsi proposé une rencontre directe entre le gouvernement congolais et les rebelles du M23 à Luanda, prévue pour le 18 mars. Pourtant, cette initiative semble vouée à l’échec, tant elle se heurte à des réalités politiques et symboliques profondes.
Le M23, un adversaire difficile à admettre
Pour le gouvernement congolais, la perspective de négocier directement avec le M23 est perçue comme une concession inacceptable. Kinshasa craint que cela ne donne trop de légitimité aux rebelles, qui sont souvent accusés de servir les intérêts du Rwanda. Une telle démarche reviendrait à traiter les rebelles comme des égaux face à l’État congolais, ce que beaucoup considèrent comme une défaite morale. Pourtant, cette démarche de Lourenço, bien que controversée, pourrait bien permettre de mesurer l’ampleur du fossé qui sépare les parties, tant les revendications du M23 ont évolué au fil du temps.
Les revendications du M23 : de la rébellion locale à l’aspiration nationale
Le M23 a d’abord formulé des revendications principalement liées à la protection de la communauté tutsi dans l’Est de la RDC. Cependant, avec l’arrivée de Corneille Nangaa, ancien président de la CENI, dans leurs rangs, les objectifs des rebelles se sont élargis, prenant une dimension nationale. Corruption, mauvaise gouvernance et contestation des élections passées sont désormais au cœur de leur discours. Une telle évolution complique encore davantage la tâche de médiation, car la question qui se pose n’est plus simplement celle de l’Est de la RDC, mais bien celle de l’ensemble du pays.
Les risques d’un processus de paix basé sur une approche ethnique
L’expérience passée de l’intégration des anciennes rébellions dans l’armée congolaise montre que ce type de solution, bien qu’elle puisse apaiser certaines tensions, n’a pas conduit à une paix durable. En effet, l’intégration d’anciens rebelles dans les forces armées a parfois renforcé les divisions ethniques, transformant des soldats censés protéger l’ensemble de la nation en partisans de leurs communautés respectives. Dans un pays aussi ethniquement diversifié que la RDC, cela a créé un terreau fertile pour les violences inter-ethniques, contribuant à l’instabilité qui règne aujourd’hui dans l’Est du pays.
La question des FDLR : un point de friction entre Kigali et Kinshasa
Un autre point de friction majeur concerne la présence des Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR) en RDC. Bien que Kinshasa ait réduit ces groupes à une force résiduelle, le Rwanda considère la présence de ces combattants comme une menace. Pour le M23, cette situation est inacceptable et fait partie de leurs revendications. Le gouvernement congolais, bien qu’acceptant d’examiner la question, préfère cependant aborder le problème directement avec le Rwanda, et non avec les rebelles. Cette divergence témoigne des profondes divisions qui continuent de miner le processus de paix dans la région des Grands Lacs.
Une paix qui semble de plus en plus lointaine
Alors que le processus de paix semble prendre des airs de répétition, où chaque tentative échoue avant même d’avoir commencé, la question reste en suspens : comment la RDC et le Rwanda, deux nations meurtries par des décennies de guerre et de méfiance mutuelle, pourront-elles un jour trouver un terrain d’entente ? Le chemin vers la paix semble semé d’embûches, et à ce jour, les signes ne sont guère favorables. Si les négociations se poursuivent, elles risquent de n’être qu’un simple cercle vicieux de malentendus et de rejet, où les véritables solutions se font toujours plus éloignées.
un avenir incertain pour l’Est de la RDC
La situation dans l’Est de la RDC, un conflit qui dure depuis plus de 30 ans, demeure une source de souffrances interminables pour les populations locales. L’espoir d’une paix durable semble se faire de plus en plus rare, et chaque nouvelle tentative de médiation semble se heurter à des obstacles insurmontables. L’issue du processus de Luanda et des négociations à venir reste incertaine, mais il est clair que la route vers la réconciliation est semée de défis.
Francine MUKEBA