Nord-Kivu : Réduit au silence, le quatrième pouvoir sous domination à Goma

Depuis plus de quatre semaines, la ville de Goma, située dans le Nord-Kivu, est sous le contrôle de la coalition AFC-M23. Cette prise de pouvoir a créé une situation dramatique pour les défenseurs des droits de l’homme, les artistes et, surtout, les journalistes, qui se trouvent dans l’incapacité de rapporter librement la réalité de la souffrance vécue par la population. Le rôle du journalisme, fondé sur des principes d’impartialité, de déontologie et de neutralité, est de plus en plus menacé par une situation de guerre qui exige des réflexes de survie pour ceux qui osent encore exercer cette profession.
Un journalisme contraint à la discrétion
Lors d’un entretien exclusif avec la rédaction de Gazette Info.Net, une journaliste basée à Goma, qui a souhaité garder l’anonymat pour des raisons de sécurité, a exprimé la réalité à laquelle elle et ses collègues font face. Selon elle, « En ce temps de guerre, le travail de journaliste est particulièrement chaotique, surtout dans les médias traditionnels, notamment la radio. Nous ne travaillons pas, car il est difficile d’informer la population de manière impartiale sans mettre notre vie en danger ». Cette déclaration témoigne du climat de terreur dans lequel évoluent les journalistes de la région. En effet, le journalisme, qui repose normalement sur l’intégrité et la vérité, est devenu une activité de plus en plus risquée et parfois même impossible à exercer correctement.
La montée en puissance de l’AFC-M23 et la redéfinition du rôle médiatique
L’une des grandes difficultés rencontrées par les journalistes en cette période est la nécessité de reconsidérer les termes employés pour désigner la coalition AFC-M23. Autrefois qualifié de groupe terroriste, ce mouvement armé est désormais le détenteur du pouvoir sur Goma, et par conséquent, les médias sont contraints de redéfinir leur position face à ce groupe. Comme l’explique un autre journaliste, « Le M23 ne peut plus être appelé groupe terroriste car cette coalition dirige la ville et reste la source officielle de l’information. Nous essayons de rester professionnels, mais il est devenu impossible de critiquer ouvertement leur pouvoir sans risquer des représailles. »
Ainsi, l’objectivité et la critique constructive sont mises à mal. Les journalistes, dans un souci de survie professionnelle et personnelle, relaient l’information sans émettre de jugement ni commentaire. Cette autocensure devient une pratique nécessaire pour éviter les menaces et les sanctions.
La position de la République Démocratique du Congo sur la situation
Lors de la 58ème session des Nations unies sur les droits de l’homme, la Première ministre de la République Démocratique du Congo, madame Judith Suminwa, a exprimé son inquiétude face au musèlement des journalistes, artistes et défenseurs des droits humains dans la région. Elle a dénoncé la répression systématique, soulignant notamment les exécutions sommaires et les massacres en cours dans les zones sous occupation des forces rwandaises et du M23, où la liberté d’expression est réduite à néant. Elle a aussi fait référence à la mort tragique de l’artiste révolutionnaire Katembo Idengo, alias « Delcato », tué à Goma en février 2025, comme un symbole de cette répression qui touche tous ceux qui cherchent à témoigner de la réalité sur le terrain.
La liberté d’expression : un droit fondamental en péril
Cependant, selon l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, la liberté d’expression est un droit humain fondamental. Ce droit est la pierre angulaire de toute démocratie et doit être défendu en tout temps. Il est le socle de tous les autres droits, et sa suppression dans des contextes comme celui du Nord-Kivu constitue une grave atteinte aux principes démocratiques universels.
La situation à Goma démontre à quel point la liberté de la presse, garante d’une information indépendante et pluraliste, est fragile en temps de guerre. Les journalistes, face à la violence et aux menaces, doivent se battre pour préserver leur mission d’informer. Toutefois, la communauté internationale doit également se mobiliser pour garantir que le droit à la liberté d’expression ne soit pas anéanti sous le poids de la guerre et de l’oppression politique.
S.K